Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

samedi 6 janvier 2024

VORTEX 2024 (deuxième version)

 Quand il a plaqué ce billet de 100 euros sur ma peau, j'ai tressailli. Pour la première fois, j'ai compris ce qu'était l'argent.

Avec l'argent est arrivé le froid. Je grelotte désormais en plein soleil mais bizarrement je ne sens pas ce froid. Je ne sens strictement rien.

C'est comme un rêve vide. 

( On me préparait à quelque chose qui me ferait souffrir.

La sidération d'un viol.

J'étais dans le noir.) 

La souillure avait le masque d'un rire atroce et c'est ainsi que, jour après jour, ou plutôt nuit après nuit, j'ai piétiné, offensé, humilié son amour en riant comme une folle. Je lui ai jeté l'argent à la figure.

Soudain mes yeux furent aveuglés jusqu'à la douleur par un océan de lumière et mon rire fut arrêté par la fulgurance de son regard. Il disparut en un tourbillon. C'était quoi ce regard, quoi cette force; quoi ce vortex? 

Putain quoi?  

Rien que l'amour? 

Parfois c'est comme de regarder le ciel pendant des heures, comme de contempler la flamme pur du beau, il y a tant de clarté, tant de calme, tant de liberté. 

Tu as chassé le froid, tu as éveillé mon âme et tu y as versé le doux, l'infiniment doux de l'espoir.

Dans le rêve vide, dans la bonde du vortex apparut un chemin.

Quand même, un chemin où il faudrait se serrer les coudes et résister.

jeudi 18 mai 2023

VACANCE


 Elle était allée nager. Elle avait fait la planche. Elle était allée au bar. Puis à la plage encore. Elle avait trouvé la mer trouble et un peu visqueuse. Elle était retournée vers le rectangle bleu et miroitant, cette transparence chlorée un peu piquante. Puis au bar à nouveau. Elle regagne son bungalow. 

Plus tard, au restaurant, elle fait semblant de lire. D'écrire. Elle regarde. Beaucoup. Les autres, les familles, les couples, les amis. Elle commande un autre verre. 

Elle avait eu de l'amour, une vie, des enfants. Tout ça l'avait un peu fatiguée. 

Elle lève la tête vers la lumière, le soleil qui vient baigner son visage, sa nuque, ses épaules. Elle ferme les yeux. Les ouvre à nouveau. La course des nuages. Elle sourit.

Elle se retourne : il n'y a personne; rien que l'ombre où frissonnent quelques feuilles mortes.

dimanche 8 janvier 2023

2023


 La mer jadis était resplendissante dans ses sourires, irrésistible, capricieuse et impitoyable. 

Aujourd'hui, elle n'est plus qu'une esclave épuisée, ridée, dépouillée par les hommes.

Elle regardait 2023. Et la mer désormais sommeillait dans son écran. Elle n'entendait plus sa voix lancinante, ce vacarme incessant, ce chuintement parfois et les gerbes d'embruns qui venaient éclabousser sa peau. Et son parfum, entêtant, enivrant, capiteux.

Tout n'existait plus qu'à l'état virtuel, dématérialisé et elle cherchait avec ardeur les souvenirs de ce monde perdu.

Elle avait erré longtemps dans les bureaux, les corridors où elle croisait des visages sérieux et condescendants : le mépris lui sautait à la gorge, jeté dans un sourire hypocrite.

Jadis, elle fermait les yeux, le murmure tendre et chantant de la mer lui donnait la pleine conscience de sa vie. Maintenant, elle ne sent plus rien, elle pourrait entailler entailler sa propre chair, faire jaillir son propre sang sans rien ressentir.

Elle avait pourtant donné le change. Elle avait prononcé les mots: résultats, course au profit, compétitivité, croissance, productivité.  Elle les avait criés ces mots mais elle n'arrivait plus à les prononcer correctement. Elle convulsa, prise de fièvre et de frissons.

Quand elle revenait à elle, sa tête n'était plus qu'une plaie et personne ne voyait la souffrance d'une âme en train de disparaître. D'anciens souvenirs, pas même des souvenirs, des fragments, des morceaux, des rubans revenaient avec une netteté stupéfiante: la gorge rouge de l'oiseau, un nuage d'argent sur la lune, la sensation du vent, les sons d'une jungle.

On enregistrait la mémoire de la nature et l'intelligence artificielle combinait ses couleurs à l'infini. Toujours confinée sur l'écran, entre les murs, dans la nostalgie poignante et douloureuse de la vraie vie.

Elle regardait 2023, aucune larme pourtant ne montait jusqu'à ses yeux.

dimanche 27 novembre 2022

L'offense.

Une fois de plus, elle l'avait offensée. Elle avait débité toutes ces horreurs et saccagé de sa grossièreté les couleurs de la joie, le satin rouge de sa robe et le rouge de son vernis à ongles.

- Tais-toi! Tais-toi, tu veux? Arrête! 

Mais elle avait continué, diluant les teintes et barbouillant les objets de cette saleté qu'elle laissait tomber partout autour d'elle, cette saleté qui envahissait chaque objet, tapis, cendrier, bouteille , tous les reliefs, le moindre pore de sa peau, le moindre souffle, chaque vibration de l'air. Le désordre du salon était maintenant insupportable. 

Elles avaient dansé pourtant, avec frénésie, se trémoussant et tournant sur leurs chevilles saccadées avant de retomber sur le canapé comme des fœtus de laboratoire.

Une fois de plus, elle l'avait jetée dehors. 

C'était il y a longtemps, des heures peut-être, combien elle ne sait pas. Mais la nuit avait levé son rideau, découvrant un décor désolé dans la lumière grise du matin.

Elle tapote la cigarette sur le cendrier sali, reprend une taffe, longue, exténuée et grimace de dégoût. C'est une saveur froide, écœurante, dans sa bouche encore irritée, piteuse comme celle d'un petit chat malingre et galeux.

Elle l'avait jetée dehors et elle l'avait regretté aussitôt. 

Elle regarde le ruban de fumée grise venir noircir un peu plus le plafond.  Une violente quinte de toux la plie en deux. Des larmes montent dans ses yeux qui la brûlent. 

La lumière grise devient blanche tout à coup, aveuglante sous la poussée du soleil. Le silence de l'appartement est plus pesant que la douleur derrière ses paupières.

 C'est un silence qui crie de toutes ses forces et qui fait mal.

-Conasse! Ce que tu veux c'est me détruire? M'abandonner seule dans l'appartement?  

Mais il n'y avait plus personne.

Ce qu'il y a, c'est qu'elle ne supporte plus aucune offense, plus aucun reproche. C'est juste les mots tu comprends, le moindre mot qui fait resurgir tous ces mots, ces autres mots jadis mais qui sont restés si vivaces. Plus vivaces que les couleurs qu'elle veut mettre dans sa vie.

-Sale pute! tu n'es qu'une merde! Une grosse merde qui ne sait même pas faire cuire un poulet! 

Elle entend encore chaque coup résonner dans le silence, et sa chair éclater de sang. 

Aujourd'hui, elle ne craint plus les pas du tyran domestique qui venait les terroriser, elle et ses enfants. Elle l'avait quitté. Les enfants étaient partis à leur tour.

Aujourd'hui, c'est le pas de quelqu'un qui s'éloigne, de quelqu'un qui la laisse seule dans la nuit qui la terrorise et qui fait se lever un désespoir si cuisant qu'elle le sent déchirer son corps, étreindre son âme et frapper sa chair.

Elle veut vivre seule désormais. Elle redoute la moindre visite. Car, à chaque fois que le visiteur s'en va, à chaque fois, le pas de celui qui s'éloigne dans la nuit et qui disparaît lui inflige une telle douleur qu'elle préfère ne plus recevoir personne.

Le cri du silence la réconforte. D'offense, plus jamais. 

- Tu ne m'offenseras plus, plus jamais, tu m'entends? crie-t-elle dans le vide de l'appartement, au milieu du décor dévasté d'une nuit festive qui avait tourné court.