Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

mercredi 29 février 2012

Le bunker et les oiseaux.

Ce matin, dans l'indifférence impitoyable des murs de mon bunker, le téléphone a sonné. Mon éditeur m'informe de la parution de mon livre: "Seule dans la Nuit de l'Autre". L'auteur s'appelle Anne Valérie Münch. C'est moi: Anna Bunker. Il dit: Le problème est que les exemplaires d'auteur nous sont revenus avec la mention NPAI, n'habite pas à l'adresse indiquée. J'ai dit: -Normal, un bunker n'a qu'une adresse secrète. Dans le mien, seuls les rêves peuvent être postés. J'ai raccroché et je suis allée au square avec Tolstoï.
Au square, c'est déjà le printemps on dirait. Au square sur mon banc, j'ai entendu les oiseaux qui s'époumonaient à se faire péter le gosier. Je sais moi que les oiseaux célèbrent ainsi la parution secrète de mon livre. J'ai perdu la raison. Il n'y aura aucune promotion, aucun article de presse, rien. Les oiseaux chanteront la mort de mon livre, je lui creuserai une tombe et je le mettrai avec les autres, tous mes livres mort-nés, mes bébés de papier, rongés  par la terre, les signes noirs abolis par l'humidité. Cette tombe est mon bunker. Je me réveille parfois terrifiée, vautrée dans les pages froissées des cadavres qui jonchent le sol  glacé. Un jour ma bouche goûtera leur pourriture amère, j'étoufferai. Sur les décombres de mon bunker se poseront les oiseaux, qui chantent si fort la mort et l'arrivée du printemps.

dimanche 5 février 2012

Un bunker en carton.

Sous le froid carnassier, le fil des jours s'étire, glacé, précaire. Je ne sors plus guère de mon bunker. Dehors, je ne croise presque plus personne. Il n'y a plus de femmes sexy, celles que j'aime tant suivre dans la rue. Celles qui nient l'âge avec fureur, les cagoles sur leurs cothurnes, elles ont disparu! A mon grand désespoir car d'habitude j'emboîte le pas d'une de ces midinettes graciles et cela me remonte le moral, elle caracole coquette sur l'asphalte, je la double; c'est une antiquité, un rouge à lèvres orange déborde sur les commissures. Cela me donne les larmes aux yeux. Elles sont tellement touchantes, tellement humaines, à vouloir donner le change et niquer la mort! Où sont elles désormais? L'ère glaciaire aura eu raison d'elles également, elles, mes chimères qui branlent un peu la tête, faisant bringuebaler le doux vacarme de leur quincaillerie.
Il n'y a plus que de rares passants. Des créatures un peu rafistolées, très informes sous leurs couches de hardes dépareillées, tout rabougris et tout boiteux, ce sont les ultimes, les déficients mentaux. Sur leur visage danse un sourire infini de pure affection. Ils en bavent même un peu. Comme leur bave gèle immédiatement, ils ressemblent alors à des branches givrées, perlées de larmes de glace transparente et pure. Je voudrais les inviter dans mon bunker mais je crains leur fonte et leur disparition sur mon sol de béton. Je vais donc voir ma voisine, calfeutrée dans son bunker en carton. Elle les a soigneusement disposés autour de son corps ficelé dans un duvet. Je l'invite à venir boire un thé. Elle secoue  la tête. Elle a de petites mains et des yeux bleus avec des sérosités roses autour Elle aussi porte le léger sourire des aliénés.. J'insiste avec véhémence, je m'énerve, je lui dis qu'elle va mourir. Elle a pitié de moi et me bénit doucement de sa petite main transie de froid.