Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

lundi 25 juillet 2011

Bunkerbouff''

Quand je n'écris pas, je mange. Quand je n'écris pas, j'attends. En attendant, je mange. Je grignote. Je tourne boulimique.
Et je n'ai pas faim. Je n'ai pas faim et je mange. Telle est la logique.
Je ne connais pas la faim. En Somalie oui, ils pourraient la décrire la faim, s'ils en avaient la force. En France, je mange, j'ingère, j'engloutis, je remplis. Je remplis quoi? Je remplis le désert. Le désert des pages qui ne s'écrivent pas, le désert des mots et des corps qui ne se touchent pas.
C'est la folie de la mastication... Mastiquer, remplir, caler. L'estomac lourd calme l'anxiété. Manger ne calme pas ma faim, manger calme mon angoisse de ne rien écrire. Sac à foutre, sac à merde, sac à vin. Point. A la ligne.
Le trou au milieu pourtant persiste et signe, creuse, creuse sa béance, l'absence de plénitude, la panse croit se remplir et c'est un trou où tout fout le camp. Sarabande et débandade! Où c'est qu'ils se barrent les aliments? Tous les aliments, fromages, pains, burgers, saucisses, frites, gâteaux et viennoiseries, mignardises et friandises, où? Merde ! Où ?
Je me calfeutre dans ma graisse. Je suis bien au centre. Isolée, blindée dans mon blokaus. Bien calée à l'abri des rugissements et des trahisons. Rien ni personne ne peut m'atteindre.
Faut dire que j'ai été à bonne école. À Normale Sup on bâfrait comme des malades, une honte comparé à ce que pouvait s'offrir les autres étudiants, les autres, les nuls, les recalés du concours! Et puis je suis marquée à vie par la teutonne boustifaille, rien à envier à Gargantua ! Avec les vieux en Elsass, la sarabande des mâchoires a clabaudé sa transe, toute nourrisson j'ai été bercée dedans, pétrie, vautrée dans les orgies des palais! mon frère jumeau i crispait ses poings et entrait en fureur si Mutter avait le toupet de ne pas passer mon tour de sa cuillère de purée maison! Ah ça! Mémorable les fureurs famines, on rigole pas avec la pitance !
A table, un autel plus que sacré en Alsace, on entendait que les slurps et les schwings des babines, le jus dégoulinait des mentons dans les bavoirs, j'écoutais la divine malaxe dans les bouches, les fours à broyer, à engloutir les saucisses, les patates et le chou bernique! les salamis, les paupiettes, les grumbäre, les kechle et les kougelhopfs !  Et le Speck ! le speck ach so ! Ja ! Il y avait le schmirrwurst aussi qu'on schmirrait sur les tartines ah! on en louchait  de délectation, de joie, de pure joie! Festin, orgasme des papilles...Les Flammkuche aussi hein et les Wädele et les Quetsches ah ça oui! les Bettelmann et les Quetsches! Le concert des zygomatiques de la boustifaille, vrai tohu bohu dans le tic tac de la pendule, tout le fatras de la machinerie des estomacs! Pas la littérature à l'estomac, non, malheureuse, la bouffe, la bonne bouffe bien de chez nous, ma chérie, ma cochonne.
Les yeux de mes progéniteurs, ils en devenaient fantasques de débauche culinaire, ils s'écarquillaient de folie, ils devenaient fixes et vampires à cause de la passion aveugle de manger. Ils se surveillaient du coin de l'oeil, chacun à se lorgner bâfrer et espérer que l'autre en crève, que le bide explose, que la panse expire, Schatz t'en reprendra bien un peu, de ma soupe, je flatte ton cholestérol, distille le venin de glucides et de graisses, la grande bouffe, jour après jour concoctée, un labeur de titan dans les cuisines devant les fourneaux, une tâche épique, gargantuesque !
C'est pas des estomacs ! Des usines plutôt. Des estomacs d'autruche à digérer le fatras, à lamper le fond des gamelles. Le paternel, il léchait même l'assiette, histoire de la faire tourner bourrique sa moitié! elle en tournait de l'oeil de rage à le regarder faire, lécher avec minutie, de sa large langue trouée, d'un bout à l'autre de l'assiette de porcelaine blanche, il la léchait comme ça, comme on fait une patience et puis il la posait, content le vieux, un rien revanchard, avec un sourire à son épouse déconfite. Un peu de confiture Schatz ! là! accrochée à ta barbe rousse...
Alors moi, calfeutrée dans mes chairs, j'ignore tranquillement mon embonpoint. C'est pas de ma faute ! Mon corps est une carapace, un bunker de douceur et de béton. Un bon coup croyez moi. Dans cette masse qui est mienne, rien ne me touche, tout achoppe, attaques, engeances, infamies, insultes, que nenni !
Hier pourtant un type m'a dit grosse vache et ça m'a un peu vexée quand même..et puis au supermarché, au détour d'un rayon de charcuterie, j'ai soudain aperçu un mastodonte dans une glace en face de moi, je crois que c'était moi mais bon, ça n'a duré qu'un bref instant.

jeudi 7 juillet 2011

Un été bunker

Tu sombres dans la langueur de l'été, sa chaleur qui cogne, ton corps trop lourd ne veut plus bouger. Dans ton bunker, tu dors, tu regardes les écrans, tu manges du saint Moret, tu hurles. Dans le bunker, elle dort, elle fume, elle écoute son ventre gargouiller et puis se taire. Il n'y a plus rien à manger. 
Elle est couchée en chien de fusil, assoupie, ahurie dans la chaleur. D'une grande profondeur,il y a  cette chose qui remonte lentement. A travers le battement de ses tempes, elle entend la rumeur des distances traversées. Quelque chose est congestionné, qui remue difficilement, se déplie et gigote doucement. On pourrait croire que c'est le désir.
Du bunker, de ses hublots elle la voit dans le dehors caniculaire. C'est un miroitement fauve sous l'indigo. Des vapeurs cristallines entre les lignes droites du ciel, de la terre et de la mer. Son corps blanc flamboie dans la lumière, ses seins sont éclatants, elle est debout, dressée seule dans l'univers. La chose en elle voudrait surgir, courir à sa rencontre, mais elle ne bouge pas. Elle retourne au sol dur du bunker, se couche en boule, se rendort..
La femme aux seins blancs et lourds reste sur la plage.Une brise pulpeuse cingle ses bras, son corps nu. Le soleil brûle, elle cligne des yeux dans le vibrato de la chaleur, écarte les cuisses, soumise à la torture, piquée dans la braise. Le soleil incandescent continue de marteler sa brûlure, elle est échouée sur la grève et il y a cette immensité plate, vide et palpitante. La mer.
La mer devant le bunker. Le corps est long et lisse, épinglé dans la lumière. Il veut le viol du soleil, la perte, l'oubli. Les lignes vibrent comme des flaques d'essence. Tu restes à l'ombre du bunker, hallucinée de lâcheté, impuissante à le quitter et la chose en toi replonge dans l'obscurité, jugulée tout au fond, tout au fond du bunker. Tant pis pour toi.