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Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

mardi 11 juin 2019

Le train du plaisir

Elle s'assit dans le hall 2, face à trois jeune filles qui, après un bref regard hostile, se gardèrent bien de la regarder. Elle sortit le livre. La voie n'était pas encore indiquée sur le tableau bleu des nombreux départs. Quelque chose lui chatouillait imperceptiblement l'avant bras droit. Elle découvrit un minuscule moucheron aux minuscules ailes translucides qu'elle ne parvint pas à chasser, elle décida de le tuer. Elle l'écrasa entre son pouce et son majeur, regrettant immédiatement son geste. C'était son second meurtre de la journée, complètement inutile et elle songea un instant qu'elle serait punie pour cela.
L'instant d'après, elle avait raté son train. Elle ne chercha nullement à échanger son billet et prit le train suivant. Bêtement, elle chercha la voiture, la place du précédent billet et s'y installa. Un individu plutôt bourru la délogea. Elle changea docilement de place en songeant aux chaises musicales. Les uns après les autres, des hommes, des femmes faisaient valoir leur réservation avec cette morgue des gens qui ont acheté le droit de poser leurs fesses à cette place là, exclusive de tout autre. Ils patientaient en fixant au loin un point indéfinissable tandis qu'elle ramassait maladroitement ses effets imprudemment posés sur la tablette: sa bouteille d'eau, ses lunettes, son livre. Impitoyablement chassée, elle pensa aux insectes morts dans la journée. Elle se replia dans un siège de première classe car toutes les places n'y étaient pas occupées. Elle regarda les vaches blanches dans les champs, sortes de playmobils immobiles. Les rondins de paille emprisonnés parfois dans une gangue de plastique rose ou grise; ça et là aussi, comme les vaches, ces petits bouchons posés sur leurs diamètres. Le ciel était uniformément gris. Elle s'endormit.
C'est alors qu'elle s'éveilla dans un autre train. Un train d'avant avec de vrais compartiments et des vitres qu'on pouvait baisser. Une senteur chaude de nuit d'été s'engouffra, elle frissonna de plaisir dans cette bourrasque. Elle était allongée tout du long sur la banquette; sa robe avait tourneboulé dans son sommeil et ses jambes étaient nues. En face d'elles, cinq hommes se serraient désespérément sur la banquette afin de ne pas déranger son sommeil. Ce que tu es belle, disait-l'un. Que ta peau est douce, disait l'autre. Lentement, elle s'éveilla sous leurs regards fascinés. - Oh, excusez moi dit-elle en se redressant. - Non, non, répondirent-ils en choeur. -  Restez là, ne vous dérangez pas. Rendormez vous... 
Dans son rêve, de petits insectes  vénéraient son corps. Ils lui donnaient un plaisir ineffable. Elle pouvait voir leurs ailes translucides vibrer dans l'éclat  suave de la lune tandis qu'ils la faisaient impitoyablement jouir. 

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