Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

lundi 11 novembre 2019

DAS LETZTE HAUS (La toute dernière maison)

Parfois, au fond de la nuit, le vent comme un enfant s'éveille et marche tout seul sur le sentier. Doucement, doucement, vers ce village, et la maison devant l'étang. La maison a été abandonnée et les chênes, les aulnes, sont muets. Seul un ange de pierre eu milieu du jardin sourit dans l'éternité.

Longeant la maison forestière, je prends le chemin que je n'ai pas besoin de voir. Sa mémoire est dans chacun de mes pas, dans mon corps tout entier qui avance comme un somnambule. A ma droite, surgit un bruit énorme. Un tonnerre qui fait trembler la terre et qui traverse mes entrailles. C'est le cheval qui galope vers moi car il m'a reconnue. Au même instant, je vois le chemin. Les fougères, les ronces et les mûres noires. Le cheval hennit de joie. J'entends aussi autour de moi le murmure des forêts qui ne s'arrête jamais.

Le cheval renâcle et frappe le sol de son sabot. Je comprends son langage. J'enlace sa tête de cheval: elle est robuste et son crin râpe mon visage. Les saccades de sa tête m'inondent de joie et de douleur, ce mur d'os m'offre la résistance et le réconfort dont j'ai éperdument besoin et mes larmes coulent sur ses naseaux. Pourquoi revenir? La grande pupille brillante me fixe. C'est un oeil magique et géant cerclé de longs cils noirs où viennent s'agglutiner les mouches que, depuis toujours, je tente désespérément de chasser. (...)

Au premier regard que je pose enfin sur la demeure, un intolérable sentiment de tristesse étreint mon coeur à nouveau, comme si je l'avais quittée hier, hier au soir dans le calme d'une nuit d'été. Le souvenir éclatant des jours de joie et de soleil vient me déchirer le ventre car ces heures de bonheur sont bel et bien révolues et la joie ne revient pas deux fois dans une vie. (...) Que s'est-il passé dans cette maison?  Quelle chose atroce, inénarrable a-t-elle eu lieu? (...)

Il a une aile repliée sur sa hanche car il s'est épris d'une gerbe de roses trémières dont les boutons de fleurs sculptés se confondent avec les boucles de ses cheveux d'ange. Il s'est arrêté un instant, pour dire la joie et il fait danser l'univers, tout ce Wildniss, autour de lui. Je peux décrire l'ange. Elle? Elle je ne peux pas encore la nommer ni écrire son nom sans ressentir la peur de la casser, de la détruire. Comme si écrire son nom allait la faire exploser en milliers d'éclats de cristal qui la blesseraient et qui me blesseraient. Les choses en étaient arrivées là entre nous, à ce point de rupture, à tellement d'amour qu'un rien pouvait nous faire saigner à nouveau. Elle était tellement à fleur de peau, frémissante comme une jeune biche, défigurée par la peur de vivre. NATHALIE;

lundi 22 juillet 2019

Nathalie

Rien qu'à écrire son nom
j'ai peur qu'il n'explose
en milliers de cristaux étincelants qui viendraient se ficher dans ma peau
et ma peau saignerait des larmes lentes à cause des petites entailles
et je serai blessée de toutes parts
blessée sans grande douleur tandis que je chuchoterai mon amour arrivé trop tard
et les doigts ouverts tendus
je chercherai encore à l'atteindre
Nathalie.

mardi 11 juin 2019

Le train du plaisir

Elle s'assit dans le hall 2, face à trois jeune filles qui, après un bref regard hostile, se gardèrent bien de la regarder. Elle sortit le livre. La voie n'était pas encore indiquée sur le tableau bleu des nombreux départs. Quelque chose lui chatouillait imperceptiblement l'avant bras droit. Elle découvrit un minuscule moucheron aux minuscules ailes translucides qu'elle ne parvint pas à chasser, elle décida de le tuer. Elle l'écrasa entre son pouce et son majeur, regrettant immédiatement son geste. C'était son second meurtre de la journée, complètement inutile et elle songea un instant qu'elle serait punie pour cela.
L'instant d'après, elle avait raté son train. Elle ne chercha nullement à échanger son billet et prit le train suivant. Bêtement, elle chercha la voiture, la place du précédent billet et s'y installa. Un individu plutôt bourru la délogea. Elle changea docilement de place en songeant aux chaises musicales. Les uns après les autres, des hommes, des femmes faisaient valoir leur réservation avec cette morgue des gens qui ont acheté le droit de poser leurs fesses à cette place là, exclusive de tout autre. Ils patientaient en fixant au loin un point indéfinissable tandis qu'elle ramassait maladroitement ses effets imprudemment posés sur la tablette: sa bouteille d'eau, ses lunettes, son livre. Impitoyablement chassée, elle pensa aux insectes morts dans la journée. Elle se replia dans un siège de première classe car toutes les places n'y étaient pas occupées. Elle regarda les vaches blanches dans les champs, sortes de playmobils immobiles. Les rondins de paille emprisonnés parfois dans une gangue de plastique rose ou grise; ça et là aussi, comme les vaches, ces petits bouchons posés sur leurs diamètres. Le ciel était uniformément gris. Elle s'endormit.
C'est alors qu'elle s'éveilla dans un autre train. Un train d'avant avec de vrais compartiments et des vitres qu'on pouvait baisser. Une senteur chaude de nuit d'été s'engouffra, elle frissonna de plaisir dans cette bourrasque. Elle était allongée tout du long sur la banquette; sa robe avait tourneboulé dans son sommeil et ses jambes étaient nues. En face d'elles, cinq hommes se serraient désespérément sur la banquette afin de ne pas déranger son sommeil. Ce que tu es belle, disait-l'un. Que ta peau est douce, disait l'autre. Lentement, elle s'éveilla sous leurs regards fascinés. - Oh, excusez moi dit-elle en se redressant. - Non, non, répondirent-ils en choeur. -  Restez là, ne vous dérangez pas. Rendormez vous... 
Dans son rêve, de petits insectes  vénéraient son corps. Ils lui donnaient un plaisir ineffable. Elle pouvait voir leurs ailes translucides vibrer dans l'éclat  suave de la lune tandis qu'ils la faisaient impitoyablement jouir. 

dimanche 20 janvier 2019

O'BUNKER: GRAND VOYAGE

O'BUNKER: GRAND VOYAGE: En songeant aux douze kilomètres à parcourir, j'avais le coeur lourd, une sorte d'appréhension. Quelle idée que ce Grand Voyage! ...

GRAND VOYAGE

En songeant aux douze kilomètres à parcourir, j'avais le coeur lourd, une sorte d'appréhension. Quelle idée que ce Grand Voyage!
Nous étions là, ça lambinait quelque peu. La mer était plate et vide. Endormie, elle sentait mauvais. Devant sa partition, une femme nous a fait goûter le paysage. Il faisait chaud. Bien trop chaud pour un mois de Novembre. Une armée de moustiques, furtifs et voraces,  fonçait sur nous plus vite que les avions de la Wehrmacht un jour de Blitzkrieg. J'épongeais ma sueur. 
On se met quand même à marcher. On marche. A petite allure d'abord et puis on a pressé le pas. Seul un train a bougé à notre droite. Il a passé comme dans un rêve. On a longé la voie ferrée et puis on a traversé des périphéries urbaines sous le regard indifférent de quelques dealers. Après,  nous étions comme des coureurs en compétition et cela me rendait silencieuse. Je me concentrais sur chaque pas. La foulée déjà réveillait une douleur  dans un muscle de ma cuisse droite. Je marche. Rien que ça. C'est ce que nous étions venus faire. Marcher, suivre le chemin, renouer avec les pèlerins partis reconquérir la Terre Sainte tombée aux mains des Infidèles.

Pourtant ce temps trop beau avait déjà épuisé le groupe, on aurait dit que la lumière avait balayé l'espoir. Je marche, je veille à respirer à intervalles réguliers, des inspirations de qui veut survivre et cheminer longtemps. Peu à peu, mes pensées s'allègent. Je marche en fixant mes pieds. J'ai cessé de sourire.  Mon visage, débarrassé de ses vanités et de ses rôles enjoués, est devenu grave.
Marcher c'est briser sa coquille, jeter le masque, piétiner son chagrin. Les douleurs sont de plus en plus vives, des crampes cuisantes pointent leur nez et je poursuis avec acharnement cette course folle dans un paysage que je n'ai pas le temps d'apprivoiser. 
Je ne suis plus un fauve en cage, je suis libre d'aller et mes passions s'égrainent tout au long du chemin.  Je me dépouille. Je suis nue et je flotte. Je ne sens plus rien, ni mon corps, ni ma vie, ni mon âme.
Le poids de l'existence qui étouffait mes pensées m'a quittée, comme si j'avais pleuré durant des heures. Je serais tentée d'ailleurs de verser quelques vraies larmes si je ne craignais la présence des autres, les étudiants, les professeurs, mes collègues. 
 -Expie! Expie! criait une voix dans ma tête. Je vieillissais aussi à vue d'oeil et je marchais à nouveau comme dans mon enfance: à petits pas je marchais, puis je tombais ; je me relevais et marchais à nouveau en vacillant.
L'extase m'atteignit de plein fouet. Je ralentis là où s'étalait la splendeur des couleurs, un rouge, un bleu-vert d'une insondable profondeur, un blanc délicat, un bleu. Je découvre un monde étrange. Nous étions dans un pays très reculé, un territoire sans âme et sans pittoresque, presque industriel et pourtant il y a la ligne fraîche de la mer. Quelque chose brillait à l'horizon, un miroir noir et très ancien qui reflétait  la mort. Le chant d'un oiseau rendit le paysage plus silencieux encore. Je suis émue, bouleversée jusqu'aux tréfonds de mon être que la marche a débarrassé de toutes ses scories.
Je n'ai pas terminé le Grand Voyage. Mais quand même, j'ai volé. J'ai flotté dans un ciel délavé sans rien en moi qui pesât encore, ivre, translucide et purifiée.

dimanche 6 janvier 2019

O'BUNKER: 2019 la disparition

O'BUNKER: 2019 la disparition : Deux mille dix neuf, le saccage me laisse sans voix. C'est la disparition. Et, à la place, quelque chose de très froid, de très dur, ...

vendredi 4 janvier 2019

2019 la disparition

Deux mille dix neuf, le saccage me laisse sans voix. C'est la disparition.
Et, à la place, quelque chose de très froid, de très dur, de très géométrique. Certains diraient technocratique. Un monde ordonné où plus rien ne sera au hasard. 
Il n'y aura plus la douceur d'une feuille se détachant, la sensualité de la dame de nage dépliant ses ailes à la surface, pas plus que les profondeurs noires sous la transparence, verte ou turquoise, de l'eau. Je ne prendrai plus la tête du cheval dans mes bras et plus rien de chaud, ni de vivant, ni de puissant  ne répondra à mon amour. Toute sensualité sera morte. Nous serons des signes sans corps, exsangues, sans chair et sans douleur. 
Alors.
Si 2019 devait être cet instant de répit.
Un répit durant lequel je vais nager encore et danser, - tracer encore ; - tracer ...les signes à l'encre noire sur un papier un peu rugueux; sentir l'odeur fauve et ardente du cheval, regarder les dentelles nues des arbres l'hiver, toucher l'infinie douceur des caresses de la nuit.
La neige dans mon souvenir sera plus blanche et plus pure. Je la cherche toujours.