Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

dimanche 21 février 2016

Page blanche

J'ai fini le livre. Je suis contente.

Je suis contente parce que c'est merveilleux. Non pas merveilleux comme dans les contes avec toutes ces sorcières et ces métamorphoses décevantes. Non, c'est parce que tout se passe si naturellement en lui qu'il est merveilleux. C'est comme un vent qui gonfle une voile et qui fait glisser le bateau en silence dans un rapide d'une eau magique.

Ecrire peut-être un grand bonheur. Même si quelquefois mes doigts étaient gourds, impatients aussi et les signes indociles, torturés. Des signes qu'il fallait lisser comme des billets froissés ou frapper, martyriser. Car la réalité est difficile, pour l'écrire il faut ralentir, abandonner souvent, se taire et se figer comme dans un tableau. Moi et mes personnages, Mu, Lola, Khadidja, Amory et le chien aussi, la nuit, la route et la neige. Le bunker et la zone.

Quelquefois, nous n'avancions pas sur le chemin dans le brouillard, la neige biffait tous les traits et  nous marchions sur une page blanche sans parvenir à déposer la moindre trace de signes qui ne sont pas donnés d'avance.  Il fallait recommencer, les enregistrer dans sa mémoire et en exécuter le trait après. Les contours parfois prenaient naissance mais parfois aussi disparaissaient.

Même si nous avancions comme des fantômes, le livre s'écrivait.

Le livre est écrit, je viens de l'imprimer sous la forme d'un manuscrit en dix exemplaires que j'ai envoyés aux éditeurs. Cela m'a coûtée soixante dix euros plus cinquante euros de frais de poste.

Maintenant le coeur battant j'attends.

Quelqu'un sera-t-il touché? Ai-je trouvé les mots les plus doux, les plus nocturnes, les plus légers et les plus forts? Ai-je eu assez d'amour? 

De véritable amour, un amour plus lumineux encore et pénétrant, cet amour qui écoute une langue qui lui est véritablement étrangère, une langue si loin qui exige tant de labeur et d'humilité, une langue qui ne donne aucune certitude, jamais. Ai-je été assez aveugle?

Le livre est écrit. Schizophrénia brille dans la nuit. Dans ma main vide. Heureuse comme celle d'un suppliant.