Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

dimanche 30 septembre 2012

Les yeux dans le puits

Je suis assise sur un banc du square, à quelques mètres de son bunker et je sais qu'elle est nue, immobile depuis des heures sur son canapé, que ses muscles ont fondu, qu'elle a la tête vide comme lorsque les hommes la sodomisent montre en main, elle confond les jours les instants s'arrête de parler et cherche longtemps à raccorder le fil avant de renoncer. Le matin elle ne sait pas s'habiller, ne sait pas ce qu'elle pourrait mettre et finalement renonce encore, ne s'habille pas, ne se lave pas, ne mange pas, s'allonge sur le canapé froid de son appartement bourgeois. Dans l'air, flotte l'odeur de pisse du chien qu'elle a abandonné. Je ne bouge pas. 
Jeune, elle fut fouettée, sous alimentée et privée de sa mère.
L'amant qui vient la sodomiser et qui repart lui a offert un appareil photo pour photographier sa chatte.Pour rester en vie, a-t-il dit. Il lui a offert un gode aussi. Elle s'éteint dans tous les bazars du silence, ses yeux dans tous les puits de son calvaire: la religion catholique, la psychiatrie, le cul. Elle a bouffé des kilos de tranxène dans sa vie, vomi, bu du café, enchaîné des tentatives de suicide que personne n'a remarqué et elle est toujours là. Le fantôme de son chien en rut est couché sur son dos et grignote ses globes oculaires. Sa chatte coule, ce sont des coulées vertes et malodorantes.Elle a peur des arabes.Je me suis enfuie, épouvantée par ce déchet de chair meurtrie, exploité, déplacé, interné depuis des années.
Le téléphone sonne. C'est l'ultime appel de Laura.R. Il résonne dans mon coeur qui s'inflige de grandes apnées. De temps à autre, il tombe dans mes chaussures et cela me fait rire. Quand je sauterai de mon bunker, mon corps fera juste un trou dans les ténèbres, (les ténèbres de tous ces récits pitoyables, récits des narcissismes défaillants comme si la vie était si facile et qu'il suffisait d'écrire tous les jours dans son cahier je suis désespérée je veux mourir et de rester là, à téléphoner pour appeler au-secours), ce sera une fraction de seconde et ce trou très vite se cicatrise et se referme. Il n'y a plus que les morts, les innombrable morts et la vie, qui est si belle.
Je laisse sonner le téléphone. Laura R. meurt nue sur son canapé catholique et bourgeois, le sexe trempé de sperme vert et puant, la peur des arabes collée à son ventre et à ses avortements, les yeux ouverts et vides dans son  puits.