Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

mardi 25 février 2014

Prostitution.


Elle avait acheté de nouvelles chaussures. Ses anciennes chaussures étaient restées éparpillées dans la traverse.
Elle portait ses nouvelles chaussures et marchait depuis des heures. Elle les avait achetées dans une boutique Eram du centre ville et elle ne savait toujours pas pourquoi elle avait choisi un modèle aussi lourd et inconfortable. Leur empeigne blessait sa cheville à chaque pas. Elle comprit alors la signification de cet achat. Dans ces grolles neuves et dures elle écorchait ses pieds avec délices, elle éprouvait la douleur de marcher encore.
Quand elle arriva chez l'homme, il lui demanda cérémonieusement d'enlever ses chaussures. Elle se souvint qu'il était fétichiste et qu'il passait de longues minutes courbé sur ses chevilles gainées du collant. Elle secoua la tête puis elle s'évanouit.
Lorsqu'elle reprit conscience, elle distingua sa nuque et sa tête chauve tandis qu'il s'affairait à panser les plaies de ses pieds. Il venait de les retirer précautionneusement d'une cuvette où l'eau bleutée était teintée du sang de ses pieds.
Puis il lui fit couler un bain. Elle se taisait. Elle ne répondait pas à la douceur de ses paroles compatissantes. Elle le méprisait de la traiter aussi bien, de se montrer si prévenant. Elle se détourna, se raidit dans ses bras.
Elle descendit dans le bain parfumé. Une senteur de pins et de fleurs. La saveur sèche de l'été. La traverse où gisaient encore l'ombre de ses mains piétinées, de ses trous violentés. Il la questionnait avec la même insupportable douceur. Elle  ne répondait pas. 
Il commença à la laver, pressant une grand éponge molle sur son corps blessé, il s'accroupit et de ses mains tachées, la nettoya avec minutie derrière les oreilles, entre les orteils. Il évitait soigneusement les seins, le sexe, elle lui en sut gré et se détendit un peu. Il entama un shampoing et massa onctueusement ses cheveux sales où étaient fichés des restes d'orties, du sperme et du sang. Elle restait silencieuse. Elle était au bord des larmes mais elle figea son visage de toutes ses forces pour ne rien montrer. Son visage impassible était une statue blanche, son corps nu et clair se détachait contre l'écran des feuillages derrière la vitre de la salle de bains. Dans la lumière nocturne, elle paraissait irréelle à présent, belle au bois dormant dans les vapeurs de son sang. Quand il voulut l'embrasser, elle le repoussa sauvagement.
Il rinça plusieurs fois ses cheveux à l'eau chaude puis il l'enturbanna d'une large serviette blanche et la frictionna délicatement. Ils avaient fouetté ses reins, molesté ses chairs, ils lui avaient craché au visage. Ils avaient entré leurs bites noires, ils l'avaient défoncée. Elle se taisait toujours. Exténuée, elle se laissa porter sur le lit. Il la massa doucement des épaules aux reins, des reins aux cuisses puis il s'occupa de la voûte plantaire.
Un premier sanglot fut expulsé de sa gorge, suivi d'un cri atroce et long.
Tel un spectre réveillé, elle tendait le bras et gesticulait pour l'écarter, pour le frapper tandis que d'autres sanglots, d'autres cris inhumains sortaient de sa gorge; Elle hurlait et tout son corps se mit à trembler violemment. Il tressautait sur sa couche, comme atteint d'une crise d'épilepsie. Il se jeta sur elle, s'étala fermement sur son corps convulsé et resta là, harponné par ses bras raides, endiguant dans son flanc le tumulte des convulsions qui déferlaient en lui.
Elle ne bougeait plus. Elle resta en catalepsie des jours durant et même après, dans sa vie, elle semblait comme anesthésiée. Elle se prostitua jusqu'à la fin.