Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

dimanche 4 janvier 2015

2015 : Le bras de Mer et le vaisseau fantôme.

Le rivage de 2015 clignote dans l'obscurité, une frise palpitante de lumière dans la nuit.
Elle était là, la mer. Elle savait qu'elle pouvait le faire.
Ce n'était pas la mer. Juste un bras de mer. 
Accroupie sur la plage, elle contemple ce bras de mer. Calme et vaguement frissonnant avec des mouvements obscurs  mais la mer la laisserait aller à sa surface, déchirer doucement cette texture mouvante sans sombrer dans les profondeurs. La mer la porterait. Elle nagerait avec régularité, persévérante et calme. Elle ferait la planche à intervalles réguliers pour économiser ses forces.
Elle entre dans une eau curieusement tiède pour un 31 Décembre. Elle nage. Doucement. Il y a juste un froissement. La lune éclaire la moire liquide, la surface soyeuse d'une mer lisse et accueillante. Elle s'applique, alterne brasse et crawl, son sillage est mince, sa progression fluide. Elle fend l'eau sans heurt et sans bruit, elle nage le plus régulièrement possible, lance minutieusement ses bras vers l'avant, contrôle son souffle, se concentre sur cette seule tâche. Quand l'eau devient lourde, elle se tourne sur le dos, fait la planche, respire. Le ciel est constellé d'étoiles. Le silence est magique.
Elle devient un poisson, un serpent, une anémone, un cheval de mer.
Elle est au centre de deux collines, portée par une longue houle qui creuse son corps pour mieux la hisser sur ses crêtes. Glissant dans ses courbes voluptueuses,elle ne voit plus aucun rivage, il n'y a plus de rivage, aucune bande de lumière, aucun horizon. Elle est au centre du néant, au centre de l'océan, elle est dans l'éternité.
Et soudain tout est en ordre. La musique de la phrase est parfaite. Sa perfection tranche violemment sur l'imperfection de ce monde.
Au loin, elle voit le fantôme d'un vaisseau fou qui dérive rapidement vers elle. Le navire est tous feux éteints, cabré dans son silence. Elle distingue du monde à bord, des visages crispés, noirs de sel et de fatigue, les yeux rouges. Il passe devant elle et l'effleure à peine tandis qu'à l'arrière, un enfant agite un chiffon blanc.
La cruauté des hommes sur la terre est de si courte vue, les peuples de la terre ne sont que rage et violence, ils ne soupçonnent pas l'existence infinie de la mer, son indifférence devant tous ces combats et toutes ces migrations. Le sang des hommes, si héroïque soit-il, tout ce sang versé dans la Méditerranée, ne laisse pas la moindre trace pourpre sur l'étendue noire. La puissance de la mer est impitoyable.
Elle ferme les yeux. Son corps, tous ses muscles éprouvés par les heures de nage ne font plus mal, elle est dans une sorte d'apesanteur céleste. Une main invisible s'est levée du fond pour l'entraîner dans les profondeurs. Elle cède à la paix liquide, entourée de cadavres, la paix absolue des profondeurs, celle qui sommeille immuablement depuis le commencement des âges. Elle était tout proche des lumières de 2015. Elle ne le savait pas. Un vent nouveau se lèverait. 
Il la prendra dans ses bras. Le fera-t-il?   La mer n'a-t-elle pas déjà tout englouti?