Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

samedi 11 juin 2011

Le bunker et le vieillard

Je venais de publier mon premier livre.
J'avais très peu de lecteurs.
J'avais fait une photocopie couleur de la première et de la quatrième de couverture. Je l'avais scotchée sur la machine à café de la salle des profs, un bunker comme un autre. Et dans celui-ci tout se passe devant la machine à café.
Une fois le truc collé j'ai pensé tout le monde va le voir. J'ai attendu. J'ai croisé des collègues une heure ou quelques jours plus tard. A ma vue, ils piquent du nez. Je suis transparente. Ils froncent subitement le regard et s'esclaffent à la vue d'un autre collègue : Tiens ? Comment vas tu ? 
Ils se détournent. Je suis biffée. Raturée. Exclue. Je suis exténuée. Je ferme les yeux un instant. En les fermant, je réalise que je voulais les fermer depuis longtemps, que mon épuisement provient de cette habitude absurde de garder les yeux ouverts. Ou de me taire. Si violemment.
Donc j'avais beau les guetter de toutes mes forces, il n'y avait pas un lecteur à l'horizon. Juste un vieillard.
Dans mon immeuble, le monsieur du premier étage avait insisté pour l'acheter. Il m'avait dit : vous viendrez me faire une dédicace ?
Il s'appelait Monsieur Poursines. C'était un médecin à la retraite depuis bien longtemps et il vivait là avec son épouse. Un jour, alors que je sortais promener mon labrador, je l'avais aperçu sur le seuil de son appartement, violemment étreint par une petite femme, toute petite et toute sèche. De ses deux bras maigres elle le serrait contre elle comme s'il partait pour toujours alors qu'il partait simplement faire une course. Sa femme ne quittait plus leur appartement, ses os étaient si fragiles. Sa maigre silhouette s'était élancée dans ses bras à lui et elle l'embrassait avec frénésie tout en murmurant: reviens vite,mon amour. Et elle caressait convulsivement son crâne de ses petits doigts osseux. Reviens vite, mon amour.
Cette femme de quatre vingt ans s'était jetée dans ses bras comme une jeune fiancée qui a le coeur plein d'espérance.
Mr Poursines n'était pas beau. Il était aussi vieux qu'elle et paraissait encore plus vieux. Le crâne complètement dégarni, la peau maculée de tâches noires ou bleues, les mains tremblantes. Tout son corps était agité de tremblements visibles: sans doute Parkinson le frappait-il de plein fouet. Il avait pourtant un visage avenant et gai, un visage rayonnant. C'était un de ces couples octogénaires que j'observais parfois dans la rue, un couple éternel, jamais divorcé, abandonné de tous leurs enfants et qui trottinait enlacés, unis dans un monde indifférent et dur, ils se soutenaient à grand renfort de gestes tendres, une énergie puisée dans le reste de leurs forces pour franchir ensemble la porte de la mort.
Un jour, elle chute de son lit et se casse la hanche. Une ambulance vient la chercher, elle meurt quelques semaines plus tard. Resté seul dans son appartement, Mr Poursines meurt à son tour, quelques mois après son épouse.
Ce fut dans l'intervalle de ces quelques mois de solitude qu'il me téléphona pour me demander de venir dans son appartement  lui dédicacer mon livre.
C'était une fin d'après midi d'hiver, la lumière déclinait. J'étais triste. J'avais somnolé toute la journée dans mon salon, en proie à la solitude glacée d'une épouse délaissée. Mon mari partageait notre domicile mais je ne le voyais que rarement. Lorsque, par hasard, il déboulait en coup de vent, je me surprenais à le suivre du regard comme on suit du regard un étranger. Quelqu'un avec qui on est censé partager sa vie et qu'on ne connaît pas. Malgré les enfants, les années, les rapports sexuels et les courses au supermarché.
Je frappe à sa porte. J'attends. Son visage s'efface comme pour s'excuser, il clopine devant moi et m'explique qu'il ne vit désormais plus que dans cette chambre.
Je découvre son bunker. Il n'y a qu'un mètre du lit à son bureau. Je pense à la chanson de Brel : du lit à la fenêtre et puis du lit au lit. L'agencement des objets sur son bureau trahit encore une intense activité intellectuelle, ses rituels immuables: une loupe, un coupe-papier, des piles de feuillets sous des presse-papiers, des factures, des coupures de journaux, des mots croisés, une gomme, une paire de ciseaux, un crayon à papier fuselé, un taille-crayon et aussi, un encrier, un porte-plume. Tous ces accessoires d'écolier sont soigneusement rangés, ses mains s'agitent, veuillez excuser le désordre, il s'immobilise, tremblant de tous ses membres sur ces reliques. Une odeur particulière règne, pas désagréable non, juste un peu rance, une odeur de bois mort. Sur le lit, je vois mon livre ouvert, posé sur sa tranche. Il dit: voyez vous, je lis, j'ai lu. Il ajoute: je m'arrête souvent. Cela m'émeut trop. Alors je pleure. C'est bête.
Il vient s'asseoir à côté de moi sur le lit. Sa proximité est infernale et douce. Ma tête surmonte son crâne un peu abaissé, je vois les tâches, je sens une odeur de nourrisson, ses mains tremblent. J'ai envie de le prendre dans mes bras et je réalise que ce désir n'est pas maternel mais érotique. 
J'embrasse sa tête chauve, je lèche son cuir chevelu. Puis je m'allonge un peu plus sur le lit et je ferme les yeux. J'entends le souffle du vieillard, je garde les yeux fermés. Ses doigts parcourent en tremblant les lignes nues de mon corps. Je frémis de joie: oui, oui, j'ai un lecteur ! 

dimanche 5 juin 2011

Postures bunker

À Fontenay aux Roses mon voisin de bunker s'appelait Antoine de B. Il a dit à sa copine Sylvie R. : "Surtout ne fréquente pas cette salope!" Elle était gentille pourtant Sylvie, même qu'elle a été reçue première à l'agreg cette année là  et qu'il l'a bien saccagée ensuite notre Antoine historifique fasciste et ses yeux translucides. Il te l'a détruite la petite nymphe, méticuleusement et systématiquement comme tout ce qu'il fait. Et la salope,on lui a octroyé un rôle quand même dans la pièce à Stéphane B. un rôle de salope évidemment , affublée d'une tenue moulante en léopard et d'un chapeau à plumes vertes. C'est là qu'elle affûta ses premières postures.
J'aime la station debout, celle où l'on raccroche. Dans la rue. Cela oblige l'homme à fléchir ses genoux pour entrer une verge verticale, je le surmonte d'une bonne tête, ce nain gigotant dans la plongée. Le vit se branle dans une chatte de pierre.
S'il me soulève, mes cuisses en grenouille l'enserrent et je me pose sur son aine. J'aime que ma tête heurte le mur au rythme des estocades.
Assise, ma chatte est en contact. Nue, collée contre la moleskine des tabourets ou des banquettes. Elle fait ventouse, se frotte, tamponne ses lèvres contre la matière, ce sont de menus sauts de chattes et de hanches et de cul. Ces torsions lilliputiennes embrasent la vulve qui s'écarte alors d'un coup. C'est un grand écart qui déploie les ailes, expose la profondeur rose au bord.
Toujours mon cul ma chatte sont rivés au bord. Au bord des tables, des baby-foot, des jukebox, au bord des lavabos, des baignoires, des lunettes, des capots, des fauteuils, des sofas, des piscines, des talus, des tombes
Dans les files d'attente, je frôle les bites emprisonnées dans les frocs. Je me baisse et j'ondoie le plus ferme possible sur la verge entravée. Lorsque je la sens durcir, je suis très fière. Je l'extirpe d'une seule main, savante et leste, je la branle dans la queue, le foutre gicle sur le tapis de caisse.
Dans les ascenseurs, les métros, tous les lieux publics, je me frotte contre leurs queues, les prend dans mon cul ma chatte ma bouche bien protégée par la foule. Au restaurant, je plonge sous les nappe, je les suce ou je les branle. Je suce aussi les chattes des épouses, je ne suis pas sexiste.
Lorsque je me baisse où que je sois, je me mets bien en équerre, le dos droit, en prenant soin de me cambrer et d'exposer au maximum.
J'ai souvent une jambe sur une chaise ou sur deux chaises écartées je plie mes cuisses tendues perpendiculairement à mes reins et j'abaisse ainsi mon con jusqu'à leurs bouches. Je m'abaisse lentement pour découvrir tout l'appareil.
Je suis souvent à genoux. Les genoux sont blessés, écorchés, pilés, par le béton, le bitume, le carrelage, brûlés par les moquettes, les palladiums, les parquets.
Je me love aussi en foetus, la moule fermée, une raie rose et je dors. Je ne vois pas qui vient me caresser, ouvrir, transpercer mon calice. Il suffit de prendre la peine de venir déplier mes ailes pour m'enfiler et me foutre.
Il y a bien sûr une infinité de postures encore et d'autres bien plus inconfortables. Mais je suis assez paresseuse et j'aime un certain confort dans l'inconfort.