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Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

dimanche 4 mars 2012

Le miroir de mon bunker.

 Ce matin, l'un des miroirs qui bringuebalent dans mes appartements m'a ouvert les yeux. Son signe fut un frémissement limpide: une porte s'est fermée et j'ai vu. Le visage ruisselant, me relevant sous le jet d'eau , j'ai jeté un oeil, j'ai vu pendre les pelures, les écorchures, j'ai vu les pores rouges, violacés d'une peau morte, craquelée. J'ai vu ce visage sans visage et j'ai vu qu'il était vieux. Je comprends maintenant ce qu'on veut dire quand on prétend qu'on peut prendre des années en une fraction de seconde, qu'on blanchit en une nuit sous l'ardeur d'on ne sait quelle douleur. Je comprends que je ne suis ni plus ni moins vieille, mais que je me vois pour la première fois.
Longtemps, je ne me suis pas regardée dans le miroir. Je ne prêtais pas attention à ce miroir. Je regardais à travers ce miroir. Mon visage était une pierre. Mais ce matin, dans le miroir, une main s'est emparée de ma pierre et l'a jetée de toutes ses forces contre le miroir. Le miroir s'est brisé, une femme avec une enfant est entrée dans le square. La petite fille est à peine âgée de trois ans. Elles avancent lentement. La femme traverse le miroir pour amener son enfant au jardin d'enfants. C'est dimanche, il n'y a pas d'autres enfants. Elle parle doucement à l'enfant qu'elle tient d'une main; de l'autre, elle pousse une poussette vide. La femme s'assoit sur un banc et regarde son enfant qui babille seule sur le toboggan. Le soleil est froid. La mère a les cheveux vaguement attachés, son visage est pâle, sans fard.  Elle n'a pas pris le temps de se parer, elle n'a pas le temps de se regarder dans un miroir. La femme est dans une grande solitude, la solitude d'être seule avec son enfant seule. Elle avance seule dans la buée du miroir, elle flotte sur la surface lisse, brillante et froide du miroir. Elle est seule, esseulée dans la tâche colossale d'accompagner son enfant seule au square. Elle l'encourage de sa voix. La femme a un deuxième enfant. Puis un troisième. Elle est toujours aussi seule à frissonner sur le banc, à écouter les rires de ses enfants, à se refléter dans le miroir de mon bunker. Ses enfants rient, ils bâtissent autour d'elle les murs du bunker où le corps de la mère va s'ensevelir. Au fil des jours, son visage se pétrifie. Son visage est une pierre. Personne ne peut l'approcher.

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