Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

samedi 2 janvier 2016

2016 : une larme, éperdue et salée.

Le Mur était tangible.  Il sectionnait les arbres, les ruisseaux et son cerveau. L'histoire avait survécu sur quelques lèvres peut-être puis elle était morte, elle avait disparu ; et avec elle le monde qu'elle portait dans ses flancs.
Et soudain, tapie contre le Mur, il y a cette petite fille, cette petite migrante aux yeux hagards. Ce sont des yeux qui ne cillent plus que faiblement à la lueur de ses allumettes et qui battent la mesure de son épuisement. Quand elle la prend dans ses bras, l'enfant ferme les yeux.
Elle porte l'enfant et découvre la nuit de la Zone. Elle s'aperçoit alors qu'elle n'est pas obscure et jamais complètement sombre. Une voix vient de très loin, une voix qui a parcouru des espaces infinis avant de commencer à ruisseler, une voix faible et libre, venue du fond des âges...
Elle marche vers 2016 et traverse d'abord la jungle, celles des tentes et des ordures. Puis elle entend le vacarme de la guerre. Des bruits d'obus. Des chapelets de balles traçantes, des gemmes roses de fusées, des tirs en rafales. Des types décharnés, barbus et crasseux. Des momies. Des filles condamnées au viol circulant à la queue leu leu avec un écriteau suspendu au cou. Et la puanteur, une odeur saumâtre de fumée, de cordite, de charbon, de corps en décomposition et de pétrole. Dans ses bras, l'enfant était morte.
Regarde à côté. Vois ceux qui étaient couchés sur les paillasses. Les rayés. Les os des morts dans la soupe des vivants. Toutes les architectures semblaient pulvérisées, comme les restes que l'humanité avait laissé derrière elle avant de disparaître.
C'est la nuit à nouveau. La température avait chuté. La lourdeur gagne ses bras et ses jambes tandis que la neige se met à tomber. Blottie contre le chien, elle regarde la chute silencieuse des flocons. Les images du chaos sont ensevelies. Tout le poids du dehors tombe à travers ses yeux et s'abîme en elle avec une telle force que son coeur éclate dans sa poitrine comme un verre. Une étoile brille dans le ciel, une étoile comme une larme qui hésite à franchir la rive de l'oeil, une larme qui brille, brille, brille avant de s'éteindre, de couler, de tracer la ligne éperdue et salée de 2016.
Le blanc contre le noir. Le noir de la matière noire, cette obscurité hurlante. Le noir des chemises, des drapeaux, de la baise.
Un chapeau de neige chute, une voltige de paillettes danse devant ses yeux: le vert, le bleu, le mauve. Ni le noir, ni le blanc mais toutes les couleurs de la neige.

                                                                  Extraits de Schizophrenia.  

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