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Der Schnee.

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mardi 12 mai 2020

Cornichons pamplemousses et feu de joie

Cornichons pamplemousses whisky pain complet tomates citron Coca Cola  yaourts
Je pose la liste des courses sur la table basse devant elle. Marcher jusqu'au supermarché. Faire la queue. Arpenter seul les allées tristes. Veiller à ne coudoyer personne.
Je ne bouge pas.
Elle était assise dans un état plus pitoyable que jamais. 
Elle se tenait un peu courbée, les bras ballants et les mains dans son giron. De temps en temps, la main droite était occupée à prendre la cigarette, à l'amener jusqu'à sa bouche pour aspirer une taffe bien qu'elle laissait aussi un nombre considérable de cigarettes se consumer seules sur le bord du cendrier. Je pressentais qu'un jour elle oublierait tout simplement de tendre le bras et la combustion provoquerait inévitablement quelque accident. Elle était tellement ralentie qu'elle aurait regardé s'éveiller les flammes sans bouger, plus émerveillée qu'une petite fille devant son feu de joie.
-Mon amour, je dois sortir faire des courses...
J'avais peur de la laisser seule. Enfermé depuis huit semaines, j'avais passé en revue toute ma vie écoulée, examiné tout jusque dans les moindres détails. J'avais compris à quel point je n'avais pas donné assez d'amour.
Elle hoquetait et fixait le vide devant elle sans me voir et sans rien voir autour d'elle.
Les sourcils légèrement froncés, elle semblait guetter je ne sais quel événement intérieur. Elle semblait réfléchir avec intensité mais ne parvenait pas à dire quoi que ce soit de sensé. Je sais qu'elle aurait voulu que je la prenne dans mes bras. 
Alors elle se mit à chanter d'une horrible façon et de plus en plus fort. Elle chantonnait sans paroles, égrenant un "ta ta ta" de plus en plus claironnant et de plus en plus grave.  
- Mon amour, les voisins vont nous dénoncer.
Elle poursuivait à la cantonade, hurlant sa mélodie débile,de plus en plus désespérée et exaspérante.
(Je me rappelle qu'un jour j'avais pris ce visage dans mes mains et que je l'avais couvert de baisers. Comme les points qu'elle dessinait parfois sur un papier, tous ces points minuscules qui finissaient par couvrir la totalité de la surface.  La couvrant de baisers, je la voyais jadis rire et puiser de la force.)
Mais tout cela était impossible maintenant.
Les heures de joie ne reviennent pas et tout était devenu froid. 
Avec tout un tas de meurtres et de sang dans les écrans.
- Tais-toi, mon amour. Donne moi la liste des courses.
Elle chantait si fort que mes mots étaient tout à fait inaudibles. 
- CORNICHONS,PAMPLEMOUSSES,WHISKY! 
 Je hurle à mon tour dans la répétition insensée et impitoyable de ses "TA! TA! TA!"...
Puis j'ai bondi sur elle, sur elle mon amour,

et j'ai serré son cou très fort. La cigarette a roulé dans le sofa.
Quand le feu s'est déclaré, elle a agité les bras. Je l'ai lâchée.
Ensemble, nous avons contemplé la beauté du feu. 
Dans ses yeux je regarde danser les flammes. Je vois qu'elle est heureuse comme une petite fille.


6 commentaires:

  1. Ablatovo tout en un tas...éblouissant

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  2. Réponses
    1. C'est pas facile, vous le savez, de saigner ses mots dans le noir et de vous les donner. Vous donner de la beauté.et de l'amour.

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    2. Cornichons, pamplemousses, whisky, cigarettes, tout ce qui pique, réchauffe, brûle ! Je te reconnais bien là Anne😉 👍👍👍bises!
      Raphaëlle

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    3. Merci!c'est très juste. Je n'y avais pas pensé !

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