Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

dimanche 27 novembre 2022

L'offense.

Une fois de plus, elle l'avait offensée. Elle avait débité toutes ces horreurs et saccagé de sa grossièreté les couleurs de la joie, le satin rouge de sa robe et le rouge de son vernis à ongles.

- Tais-toi! Tais-toi, tu veux? Arrête! 

Mais elle avait continué, diluant les teintes et barbouillant les objets de cette saleté qu'elle laissait tomber partout autour d'elle, cette saleté qui envahissait chaque objet, tapis, cendrier, bouteille , tous les reliefs, le moindre pore de sa peau, le moindre souffle, chaque vibration de l'air. Le désordre du salon était maintenant insupportable. 

Elles avaient dansé pourtant, avec frénésie, se trémoussant et tournant sur leurs chevilles saccadées avant de retomber sur le canapé comme des fœtus de laboratoire.

Une fois de plus, elle l'avait jetée dehors. 

C'était il y a longtemps, des heures peut-être, combien elle ne sait pas. Mais la nuit avait levé son rideau, découvrant un décor désolé dans la lumière grise du matin.

Elle tapote la cigarette sur le cendrier sali, reprend une taffe, longue, exténuée et grimace de dégoût. C'est une saveur froide, écœurante, dans sa bouche encore irritée, piteuse comme celle d'un petit chat malingre et galeux.

Elle l'avait jetée dehors et elle l'avait regretté aussitôt. 

Elle regarde le ruban de fumée grise venir noircir un peu plus le plafond.  Une violente quinte de toux la plie en deux. Des larmes montent dans ses yeux qui la brûlent. 

La lumière grise devient blanche tout à coup, aveuglante sous la poussée du soleil. Le silence de l'appartement est plus pesant que la douleur derrière ses paupières.

 C'est un silence qui crie de toutes ses forces et qui fait mal.

-Conasse! Ce que tu veux c'est me détruire? M'abandonner seule dans l'appartement?  

Mais il n'y avait plus personne.

Ce qu'il y a, c'est qu'elle ne supporte plus aucune offense, plus aucun reproche. C'est juste les mots tu comprends, le moindre mot qui fait resurgir tous ces mots, ces autres mots jadis mais qui sont restés si vivaces. Plus vivaces que les couleurs qu'elle veut mettre dans sa vie.

-Sale pute! tu n'es qu'une merde! Une grosse merde qui ne sait même pas faire cuire un poulet! 

Elle entend encore chaque coup résonner dans le silence, et sa chair éclater de sang. 

Aujourd'hui, elle ne craint plus les pas du tyran domestique qui venait les terroriser, elle et ses enfants. Elle l'avait quitté. Les enfants étaient partis à leur tour.

Aujourd'hui, c'est le pas de quelqu'un qui s'éloigne, de quelqu'un qui la laisse seule dans la nuit qui la terrorise et qui fait se lever un désespoir si cuisant qu'elle le sent déchirer son corps, étreindre son âme et frapper sa chair.

Elle veut vivre seule désormais. Elle redoute la moindre visite. Car, à chaque fois que le visiteur s'en va, à chaque fois, le pas de celui qui s'éloigne dans la nuit et qui disparaît lui inflige une telle douleur qu'elle préfère ne plus recevoir personne.

Le cri du silence la réconforte. D'offense, plus jamais. 

- Tu ne m'offenseras plus, plus jamais, tu m'entends? crie-t-elle dans le vide de l'appartement, au milieu du décor dévasté d'une nuit festive qui avait tourné court. 

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