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Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

mercredi 12 octobre 2011

Mon bunker et moi.

Tout homme porte  un bunker en soi. Je porte mon bunker.
Mon bunker et moi nous nous promenons dans les rafales. Dans mon bunker, je suis un caillou, un couteau prêt à tuer. Le problème c'est que je ne peux pas en sortir, jaillir hors de mon bunker pour accomplir mes forfaits et rendre justice. Je ne peux pas sortir du bunker en me tirant moi-même par les cheveux. Il faudrait quelqu'un. Peut-être avec les mots, la pesanteur n'aura-t-elle plus cours et je pourrai quitter le bunker laissant mon empreinte moulée dans ses flancs, alors j'implorerai mon rêve et je voyagerai seule enfin. En attendant je serre mon couteau bien fort dans ma main contre mon torse et j'expérimente ma séquestration, je ronge mon frein, je souris à l'adversité et j'écoute le silence.
Mon bunker et moi nous sommes inséparables. Nous sommes ennemis aussi mais sans lui je n'aurais pas retrouvé ma trace. Car sans doute je fus avant lui. Mais il m'a ensevelie.
Alors nous nous promenons dans la ville. Nous nous promenons dans la campagne. Au square, un petit enfant tout petit a enlevé son tee-shirt. Sa mère hurle comme une truie:-Remets ce tee-shirt ou je te tue! L'enfant ne bouge pas. Elle compte:-Un! deux! trois! puis se précipite vers l'enfant, lui remet le tee-shirt. Elle passe l'encolure sur son petit cou et tire d'un coup sec, l'étrangle, le secoue et profère: -Si tu l'enlèves encore une fois je te coupe la tête! J'agrippe mon couteau, je voudrais aller tuer la mère mais mon bunker sourit, cligne des yeux et me retient.
A la campagne, les sentiers sont gorgés de limaces. Il y a une odeur rance d'herbe pourrie. Nos pieds clabaudent dans les flaques. Un homme me soulève contre l'arbre, me retourne sur le tronc et me pilonne dans le paysage. Je regarde mourir un scarabée versé sur le dos tandis que le bunker reste silencieux, tapi dans son abri.
Mon bunker et moi nous faisons l"amour aussi. Tantôt avec elle. Tantôt avec lui. Parfois tout seuls aussi. Avec elle, mon corps se décolle légèrement de son empreinte, elle est une créature mythologique qui possède  cette force, la force de m'arracher un peu de mon bunker. C'est une Méduse stupéfiante aux seins lourds éblouissants, elle est comme la mer, dense et mouvante mais comme elle, se retire parfois, et me laisse seule échouée sur mon rivage. Seule avec mon bunker.
Avec lui, je suis la spectatrice de la conception et de la construction du bunker. Je le regarde consolider sa structure, son impénétrabilité absolue, je le regarde calfeutrer les fissures, bloquer les issues, vérifier les systèmes de sécurité. Je suis bien à l'intérieur. J'aime mon ravisseur. Il est important que le bunker reste un bunker, un blockhaus aux murs de béton très épais. A l'intérieur je peux hurler et me mutiler avec mon couteau, il ne viendra jamais personne.

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