Sélection du message

Der Schnee.

Du vent. De la neige. Putain. Rien d'humain. Tu écris quoi ? Depuis des mois, tu n'en sais rien. Tu as rencontré son visage. Son si...

mardi 11 octobre 2011

Tout homme porte un bunker en soi.

J'étais une femme sûre de moi.
J'étais dans cette chambre d'hôtel rue saint Jacques. Les rideaux étaient vert sombre. Les draps blancs. D'une blancheur professionnelle, impressionnante pour quelqu'un qui n'arrivait jamais à garder blanc le blanc.Sans le vouloir, vu l'exiguïté de la chambre, je me suis assise à plusieurs reprises au bord du lit.Et c'est là- plus tard, alors que je cherchais la télécommande de la TV, que j'ai aperçu distinctement les taches rouges. C'était mon sang.
Dans cette chambre que j'avais payé trop cher, dans cette chambre impersonnelle et accoutumée aux clients peu soucieux de préserver le blanc immaculé de ses draps, dans cette chambre qui n'était pas la mienne et dont je m'en foutais, dans cette chambre j'ai été prise d'une panique insensée.C'était comme si j'étais mon propre assassin et que je venais juste de me tuer, il fallait donc faire disparaître au plus vite les traces de mon crime.
Je saisis une serviette, la mouillai et tentai d'essuyer les unes après les autres les preuves de mon forfait. A force de frotter, les taches ont pâli, sont devenues roses exsangues et comme aspirées, mais elles ne disparaissaient pas. Au contraire, elles étaient un peu plus fleurs, un peu plus voraces, encore plus incontestables.
Alors, pour la première fois de ma vie, j'ai eu honte. Honte d'être une femme, honte de mon corps, de mes cuisses, de mes seins, honte de mon outrecuidance, de ma vanité, de mon assurance. En quelques secondes je suis devenue humble.
Alors j'ai quitté la chambre. Je suis descendue voir le gardien de nuit. Cela m'a coûtée parce que j'étais devenue humble et j'avais tellement honte et je n'osais pas l'apostropher ni le déranger et je suis restée là, bêtement devant son comptoir tandis qu'il ne me voyait pas. Il était occupé à lire.Il devait être deux heures du matin. En plein Paris et ses feux de bengale, à l'abri d'une petite lampe, le gardien de nuit lisait. J'ai chuchoté finalement: excusez moi,monsieur, vous n'auriez pas une cellule plus petite pour moi? Et sans lever la tête, en lisant, il a dit: tout homme porte son bunker avec soi. Vous êtes chez vous. Vous pouvez aller où bon vous semble. Mais sortir vous ne pouvez pas. J'ai reculé mon corps et j'ai fait demi tour. J'ai erré quelques instants dans un couloir feutré, la lumière a disparu et j'ai tâtonné dans le noir.Ma honte fut encore plus grande de ne pas trouver l'interrupteur.
Depuis j'ai appris à arpenter mon propre bunker. Je me suis familiarisée avec mes appartements.Quand je dors, c'est dans une chambre close et fraîche en plein coeur de l'été. Quand j'ouvre les yeux, le soleil pénètre à flots dans mon bunker et je suis gaie. Parfois une averse le frappe, les rafales ébranlent les murs et on entend bringuebaler les miroirs.


3 commentaires: